Hypothèses théoriques

 

Je participe cette année à un colloque organisé par l’université de Sherbrooke, au Québec. Cet événement annuel, qui rassemble habituellement des chercheurs en sciences humaines et des praticiens de la philosophie, se tiendra en visioconférence, à partir de demain, mercredi 16 juin, jusqu’à ce vendredi. Cette session a été pensée autour du thème de la décolonisation des savoirs dans son articulation à la philosophie pratique.

Le colloque se tenant au Québec, il faut compter un décalage de 6 heures entre ici — où êtes-vous ? — et Sherbrooke. Lorsque ma communication débutera, à 10 heures, heure locale, il sera donc 16 heures, ici, en France.

Mon intervention est consacrée à l’évocation de certains problèmes et enjeux didactiques liés à l’animation d’ateliers de philosophie. Il s’agit, pour l’essentiel, de mettre en perspective et de discuter certains aspects du problème suivant : l’initiation à la philosophie que je propose s’adresse principalement à des non-spécialistes de la discipline. Elle s’inscrit résolument dans une pratique de la philosophie non-réfutative qui requiert d’appréhender des interventions comme des positions subjectives à explorer plutôt que comme des thèses appelant la mobilisation d’une dialectique fondée sur l’objection, le contre-argument ou le contre-exemple. Cette pratique, de surcroît, est étroitement liée à une certaine associativité groupale. Celle-ci, de son côté, suscite des effets de sens et de résonance dont une part tout à fait significative nourrit les analyses du groupe.

Ce cadre spécifique a été conçu principalement dans la perspective de favoriser une prise de parole qui soit soutenue dans son effort pour penser-en-parlant. Il contribue ainsi à faire pièce à certaines inégalités devant la capacité à élaborer une réflexion dans le mouvement de la parole. Simultanément, toutefois, il concourt également à déconstruire certains attendus philosophiques et didactiques dont la figure de l’elenchus — ou contre-interrogatoire — socratique constitue un emblème. Quelle expérience philosophique cette initiation contribue-t-elle ainsi à transmettre ? Quelles difficultés didactiques ce cadre spécifique fait-il émerger ? Et comment appréhende-t-on ces dernières, tant sur le plan subjectif que sur le plan du cadre théorique, lorsqu’on endosse la responsabilité d’un tel dispositif d’initiation à la philosophie ? 

Depuis la création des ateliers de philosophie à la médiathèque Stendhal de Saint-Ouen l’Aumône, en 2007, je n’ai jamais communiqué, ni de loin, ni de près, sur la mise en œuvre de ces ateliers. Aujourd’hui, soit près de quinze ans après avoir débuté dans l’animation de cette initiation, le moment est venu pour moi de proposer quelques « hypothèses théoriques » de recherche, dans l’acception même que donne à cette notion le psychanalyste Donald Woods Winnicott. Ce sont certaines de ces hypothèses que j’évoquerai dans ce colloque qui doit donner lieu à la publication d’un ouvrage d’actes.